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Chasseurs d'orages

 

Interview du chasseur d'orage Philippe Talleu

 

Foudre, image Philippe Talleu, flandreclair

 

Biographie de Philippe Talleu

 

 

Chasseurs d'orages: Comment est née ta passion pour la chasse aux orages, quelles sont tes motivations ?
Philippe Talleu: J’étais loin de m’imaginer que l’avenir me préparait un destin de chasseur d’éclairs, car rien ne laisser supposer une telle destinée. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes compétentes dans leur domaine respectif, notamment un climatologue et prévisionniste professionnel, qui m’aida énormément. Son savoir me permit de mieux acquérir la connaissance des nuages et des orages. Nous avons fondé ensemble l’association météorologique du Nord Pas-de-Calais. Par ailleurs, un photographe me donna aussi de nombreux conseils, notamment en ce qui concerne la technique de photographie d’éclairs. Cette activité m’a permis de croiser le chemin de nombreuses personnes toutes plus passionnées et intéressantes les unes que les autres. Ce fut le cas lors de ma collaboration à la création du Ciel Electrique de Manuela Morgaine, cette pièce radiophonique sur le thème de la foudre fut écrite pour France Culture à Paris. J’y ai joué mon propre rôle en tant que chasseur d’éclairs, l’expérience était inédite et passionnante. J’ai apprécié aussi de participer à une exposition d’un chercheur du CNRS lillois, ce fut l’occasion de découvrir le monde de la recherche sous un autre aspect : moins austère que je ne le pensais et au contraire très humain. Par ailleurs, j’ai eu de nombreux contacts avec des journalistes français, belges et même anglais. Le plus marquant fut celui établi avec un reporter bruxellois qui se déplaça chez moi en Flandres françaises, afin de me suivre au cœur d’une traque d’éclairs. A ce jour, il s’agit de la seule personne m’ayant suivi pendant une chasse. Ce partage d’émotions durant ces moments intenses fut une expérience enrichissante et presque amicale. En dehors de cet aspect parfois médiatique, il est important pour moi d’apporter un savoir aux autres. C’est ainsi que j’ai déjà réalisé des dizaines d’expositions ou exposés, permettant à tous publics et notamment aux scolaires de mieux comprendre les phénomènes orageux. A noter aussi quelques conférences réalisées à ce jour, j’avoue que cet exercice est enthousiasmant mais difficile. Je renseigne également souvent des lycéens dans le cadre de TPE (travaux personnels encadrés). Je ressens comme une vocation ce besoin d’aider les autres, ce qui me semble une suite logique à ma vie de chasseur d’éclairs.

Par ailleurs, l’orage du 28 juillet 1994 déclencha en moi cette envie de traquer la foudre, il fut d’une puissance exceptionnelle avec plus de 75 000 impacts en France. Il débuta à 20 heures pour se terminer vers minuit, après avoir secoué et foudroyé toute la région et déversé des trombes d’eau. Je suis passé cette soirée là par presque tous les sentiments, à savoir la peur, l’admiration, la fascination, la passion, l’envie, l’engagement…

Une passion était née et je n’imaginais pas encore à quel point elle allait me dévorer jusqu’à y consacrer ma vie. Le mot n’est pas trop fort, car un changement professionnel allait me permettre justement de vivre davantage cette nouvelle existence de chasseur d’orages, ayant davantage dès lors la possibilité de me libérer et de surcroît de nuit. La traque nocturne me passionne énormément, en raison de l’ambiance magique et si particulière qui y règne, la musique venant renforcer parfaitement cette exaltation. Les éclairs illuminant les ténèbres sont un mélange esthétique savoureux que je retrouve difficilement le jour, ils sont mis en valeur sur ce ciel noir si mystérieux. J’aime ce mariage entre la beauté du monde nocturne et la foudre. L’absence d’activités humaines à certaines heures avancées de la nuit y est pour quelque chose. Une de mes motivations est aussi la sensation d’être un témoin de cette féerie électrique. Chaque éclair étant unique par sa forme et son emplacement, il est important de l’immortaliser grâce à la photographie et ainsi de pouvoir le conserver précieusement. Sans cela, il disparaîtrait ne laissant que des souvenirs à celui qui a eu la chance de le contempler. Mais la photographie lui redonne vie pour qu’il reste présent à tout jamais. Cette unicité de l’éclair est très importante à mes yeux et je tente d’en « sauver » le maximum, afin qu’ils ne sombrent pas dans l’oubli, dans l’état du révolu. Il est évidemment impossible de photographier chaque éclair, mais lorsque je réussis à en figer sur la pellicule, j’ai l’impression de l’avoir tirer de la mort, d’une existence si éphémère.

Ce qui me motive également est de pouvoir construire la photographie à venir comme on compose un tableau, espérant voir la foudre se fondre dans le paysage ainsi préparé. Cela suppose une reconnaissance des lieux de traque au préalable et de jour, afin d’en connaître les moindres recoins. En l’occurrence, je suis très heureux d’associer la beauté des éclairs à celle de son environnement, celui des campagnes flamandes dans mon cas. Cet amour à la fois de ma région et des orages est une source supplémentaire d’inspiration lors de mes traques. Cette quête d’éclairs se traduit aussi par la recherche d’une liaison avec un autre monde, la perte d’êtres chers n’est probablement pas étrangère à cela. La foudre est pour moi un lien entre le ciel et la terre, entre deux royaumes. De plus l’orage est comme le miroir de notre condition humaine : nous sommes à un moment de notre vie si forts et jeunes et nous voilà bientôt faibles et vieillissants. Il est aussi comme le reflet de notre âme mise à nue face à une telle force, dès lors il est impossible de tricher devant ce qui prend au plus profond de soi-même. Paradoxalement, j’aime ma petitesse en pareille situation, elle me ramène à ma vraie nature, celle du mortel en quête d’immortalité.

C. O.: Quel est ton meilleur souvenir de chasse à l'orage ?
Philippe Talleu: Je vais vous raconter deux très bons souvenirs de chasse d’éclairs. Le premier concerne l’orage du 23 juin 2003, qui se mit en place suite à une remontée d’air tropical sur le Nord de la France. Cet épisode orageux donna d’innombrables éclairs durant toute la nuit, avec notamment des internuageux démesurés et incroyables. Ce fut une féerie inoubliable jusqu’au petit matin. L’autre souvenir est plus récent puisqu’il provient de l’orage du 28 juin 2005. En soirée, un amas orageux développé à partir de cellules normandes s’avança vers ma région en suivant le Sud de l’Angleterre. Je devinais son passage plus que probable au large de Dunkerque en mer du Nord. Ce fut le cas et je réalisa ainsi des clichés en bord de mer durant la première moitié de la nuit. Les impacts étaient proches, parfois à un kilomètre de la plage et l’orage en mer est différent de celui sur terre, il décrit un ballet aquatique au charme dévastateur.

C. O.: Quel matériel utilises-tu ?
Philippe Talleu: En fait, je donne priorité à la photographie qui me passionne davantage que la vidéo, cette remarque est toute personnelle bien sûr. De ce fait, j’emporte trois appareils photographiques argentiques et trois trépieds, pour ces derniers il me faut un petit, un moyen et un grand afin d’offrir un maximum de possibilités de prises de vue.
En ce qui concerne les appareils, il s’agit :
- d’un CANON Prima Super 105 u avec un zoom 38-105 mm
- d’un MINOLTA 404 si avec un zoom 28-105 mm et 100-300 mm
- d’un COSINA CT1 Super avec focale fixe 50 mm.
Le premier me sert à photographier les paysages et les nuages, je l’emporte toujours de peur de passer à côté de superbes clichés faute d’appareil, ce qui m’est déjà arrivé, c’est rageant ! Les deux autres me servent pour la chasse d’éclairs, le MINOLTA étant très pratique grâce à sa simplicité d’utilisation, facilitant le travail de nuit.
Le COSINA est un modèle ancien, résistant mieux à l’humidité et entièrement manuel avec très peu d’électronique, donc pas de risque de piles hors d’usage en cours de traque.
L’assortiment de pellicules s’impose également, il comprend une gamme pouvant aller du 100 au 400 iso, en diapos et en films négatifs.
Ajouté à tout cela, le détecteur d’éclairs « Strikealert » qui vient m’aider, mais sans remplacer l’intuition et l’expérience.
Je ne dois pas oublier l’indispensable téléphone portable, toujours utile en cas d’imprévus, voire même d’accidents.
 

C. O.: Comment débuter dans cette activité , quelques conseils aux débutants?
Philippe Talleu: Etre chasseur d’éclairs c’est avant tout observer et connaître la nature, pour cela il faut lire le ciel, deviner ce qu’indiquent les nuages sur la situation météo à venir. La seconde recommandation qui me vient à l’esprit est bien sûr la plus grande prudence, que ce soit au niveau de la sécurité routière, mais aussi concernant le fait de bien se placer pour éviter le foudroiement. Il ne faut pas se trouver seul au milieu d’un lieu désert, ne pas se placer à proximité d’arbres, de pylônes… De plus, je conseille également de rester calme en toutes situations, c’est parfois plus facile à dire qu’à faire, mais c’est essentiel. Je me vois encore trembler d’énervement et d’impatience au départ de mes premières traques… De même, il faut absolument rester concentré au volant et ne pas se laisser distraire par les superbes cieux orageux qui se profilent. Retenons aussi que la réalité du terrain est tout à fait différente de ce que l’on peut voir en films ou en images, la nature est bien souvent violente et forte et elle nous rappelle notre petitesse face aux éléments déchaînés.

Je terminerai par deux petites phrases fortes de sens :
rien ne s’obtient sans difficulté, ni sans préparation et il faut faire cette activité par passion, par amour même et non pas par recherche d’une quelconque gloire.

Je vous souhaite une superbe saison orageuse et d’intenses moments d’émotions.

 

Philippe Talleu est également webmaster d'un superbe site web ayant pour thème principal la foudre: flandreclair.

Contacter Philippe talleu

 

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