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Interview de MICKAEL CAYLA
prévisionniste et co-administrateur de Chasseurs d'Orages
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Pour lancer 2010, Chasseurs d’Orages a décidé de
mieux vous présenter les acteurs qui font l’actualité de notre communauté depuis
des années, sans toutefois être restrictif puisqu’au fil des mois, nous
élargirons nos interviews à d’autres acteurs comme des météorologues ou des
chasseurs d’orages internationaux reconnus, ceci afin de porter un regard le
plus exhaustif possible sur la passion qui nous anime, la Chasse aux Orages !
Pour démarrer cette série d’entretiens, nous avons choisi de mieux vous permettre de faire connaissance
avec le prévisionniste du site
www.Chasseurs-Orages.com, MICKAEL CAYLA, jeune prodige d’une vingtaine
d’années dont les prévisions nous sont devenues indispensables en pleine saison
kéraunique ! Mickaël a donc bien voulu répondre à nos interrogations quant à la
naissance de sa passion, comment il la vit et surtout nous dévoiler
quelques-unes de ses méthodes de travail dont le résultat devrait être reconnu,
à notre sens, d’utilité publique.
[Entretien avec Mickaël CAYLA – Par Will Hien,
pour Chasseurs-Orages.com]
C-O : Comment est née ta passion pour la chasse
aux orages, quelles sont tes motivations ?
Cette passion est arrivée sans prévenir, aucun
signe précurseur jusqu’à ce qu’un beau jour, l’envie me prenne d’aller prendre
l’air lors d’une chaude soirée d’été, le 25 juillet 2005. Il devait bien faire
dans les 23°C, dans une atmosphère très agréable, sans un brin de vent. Les
grenouilles et les grillons s’en donnaient à cœur joie. C’était si agréable !
Allongé dans l’herbe et bercé par ces chants d’été, un flash lointain attira mon
attention. Je me mis alors à scruter le ciel en quête d’une nouvelle lueur.
Quelques minutes après, une nouvelle illumination eut lieu en face de moi, vers
l’Est.
Tout d’un coup, une idée folle me traversa
l’esprit : saisir ces instants magiques sur une photo !
Je partis chercher mon Canon Powershot A20 pour
tenter quelques prises. En automatique et mode rafales, j’espérai piéger l’une
de ces lueurs lointaines. Mon attente ne fut pas veine car quelques dizaines de
minutes plus tard, une petite illumination apparut sur l’écran de l’appareil
photo. Tout excité, je repartis dans la maison et courut chercher mes parents.
Je me rappelle encore de nos phrases échangées lorsque tout fier, j’ai tendu
l’appareil :
-
Oui, c’est bien… mais, heu… on ne voit pas grand chose…
-
Attendez, vous allez voir, je vais vous en ramener d’autres et des plus
beaux !
C’est ainsi que soucieux d’un beau résultat, je
me remis à prendre des photos. Le ciel se couvrait petit à petit et les flashes
ne semblaient pas devenir plus puissants, toujours aussi lointains, les seules
photos réussies ne montraient rien de très intéressant. Un peu plus tard, un
nouvel orage se forma. Celui-ci était bien plus proche et laissa apparaître
quelques rares éclairs très ramifiés sans s’accompagner de précipitations.
J’espérais vraiment pouvoir en capturer un !
Après quelques séries ratées, l’un d’entre eux
dédaigna prendre la pose au bon moment... J’étais fou de joie ! J’avais 14 ans
et je venais de faire ma première photo d’éclair :
Depuis ce jour-là, dès que possible, j’essaie de
prendre en photo les éclairs qui daignent bien se montrer. La motivation a
longtemps été purement photographique. Essayer de renouveler ce genre de prise
de vue était mon seul objectif. Néanmoins, je ne vous cache pas que depuis
environ un an, je m’intéresse d’avantage au côté rare, puissant et à l’aspect
prévisions des orages.
C-O : Quel est ton meilleur souvenir de chasse à
l'orage ?
Tout dépend de ce qu’on appelle chasse à l’orage.
Je ne me suis encore jamais retrouvé seul la nuit à des centaines de kilomètres
de chez moi face à un énorme orage.
Néanmoins, je vais vous parler d’une sacrée
journée : le 27 mai 2007. Depuis ce fameux orage de juillet 2005, ma passion
pour la météo commençait à tourner en faveur des orages que je trouvais bien
plus imprévisibles et intéressants. Je me mis alors progressivement à faire des
prévisions orageuses. Ce 27 mai 2007 au matin, les indices d’instabilité me
paraissaient importants et très favorables à la formation d’orages sur l’Ouest
du massif Alpin durant l’après-midi. Quelques jours après mon 16ème
anniversaire, j’ai donc proposé à mon père deux, trois jours agréables au
camping aux environs de Nyons où la situation me paraissait particulièrement
intéressante. Il accepta et ce fut là une magnifique journée. J’espérai de tout
cœur ne pas me tromper, que les orages soient bien au rendez-vous à notre
arrivée. Tout en quittant l’autoroute et en s’enfonçant dans la Drôme, les
structures nuageuses se faisaient de plus en plus imposantes, si bien qu’en tout
début d’après-midi, un orage éclata. Après avoir trouvé un point de vue, la
séance photo débuta…
Deux orages se sont succédés juste en face de
nous tout en nous évitant la pluie, c’était magique !
Merci encore Papa ;)
Voici la plus belle photo de cette journée :
C-O : Quel matériel utilises-tu ?
J’ai débuté avec un Canon Powershot A20 puis en
2006, j’ai eu droit au Canon Powershot A620 avant de passer du compact au réflex
durant l’été 2007 avec le Canon EOS 350D. Actuellement, j’utilise encore le A620
en complément du 350D. J’ai également un trépied pour chaque appareil photo, une
télécommande, toute une collection de cartes mémoire, un filtre ND8, un objectif
18-55, un 28-75 et un 100mm que je n’utilise pas pour les orages. Quelques
petites confections maison me sont aussi bien utiles sous les orages pour me
protéger de la pluie.
C-O : Qu’est-ce qui te fascine dans les
phénomènes orageux ?
Il s’agit en particulier de l’activité
électrique. Néanmoins, j’aime bien me rendre compte de la puissance de ces
monstres lors de fortes rafales de vent ou encore de grosses chutes de grêle. De
loin, c’est plus la structure qui m’intéresse. D’un point de vue plus technique,
je m’intéresse à leurs mécanismes de formation afin de mieux cerner les
paramètres influençant telle ou telle situation orageuse.
C-O : Quand es-tu entré dans la communauté
Chasseurs d’Orages et quelles étaient tes motivations, tes attentes ? Qu’as-tu
trouvé ici ?
Après ma première photo d’éclair, je me suis posé
plein de questions quant à ce phénomène. Un an plus tard, ne connaissant
personne qui prenne ce genre de photo, j’ai alors tapé « photos d’orages » sur
Google et je suis tombé sur Chasseurs-Orages.com. J’ai dévoré le magnifique
dossier de Daniel sur la photographie d’éclairs. J’ai ensuite découvert la
communauté des chasseurs d’orages et je me suis alors inscrit. C’était début
juillet 2006.
En fait, en m’inscrivant sur le forum, je
cherchais simplement à partager ma passion avec d’autres personnes, contempler
leurs clichés et faire la connaissance des chasseurs d’orages. J’ai d’abord
trouvé un site formidable à qui veut s’intéresser aux orages, puis, par le biais
du forum, une véritable communauté de passionnés tous aussi sympathiques les uns
des autres et partageant volontiers leurs bons conseils !
C-O : Nous allons parler plus précisément de ce
pour quoi tu es reconnu ici, les prévisions des orages. Premièrement, et de
manière plus générale, d’où est née cette passion que tu as pour les prévisions
Météo ?
Cette passion
m’anime depuis tout petit. Selon ma gardienne de
l’époque, j’étais déjà un fana
de météo en primaire, je regardais avec attention les
bulletins météorologiques télévisés.
C’est fin 2003 que j’ai commencé à faire mes
propres relevés quotidiens. Tous les matins et toutes les fins
d’après-midi, je notais la température (ce qui me
faisait un très approximatif min-max) ainsi que la
pluviométrie.
En 2005, j’ai commencé à faire ces relevés plus
sérieusement, aidé d’un thermomètre mini-maxi. Je me suis aussi intéressé à
l’aspect prévision du temps grâce à Internet. Ainsi, j’ai progressivement fait
la connaissance de divers modèles de prévisions. Je consultais uniquement les
températures et les précipitations. J’étais vraiment satisfait des résultats de
ces modèles, en particulier GFS qui, via Meteociel, était très facile à
utiliser. Durant l’automne 2005, je consultais chaque bulletin spécial
d’Infloclimat. Le 31 octobre, ils annonçaient de forts orages sur les Cévennes
et faisaient mention d’un faible risque pour les plaines. Mon père m’accorda une
sortie plus haut dans l’arrière-pays afin de tenter quelques photos. Au fil de
cette nuit, quelques photos réalisées en effet, mais l’activité électrique
n’était pas très intense et plutôt noyée sous des trombes d’eau. De retour à la
maison, ma mère nous raconta l’orage incroyable qu’elle venait de vivre avec une
forte activité électrique.
C’est depuis ce jour-là que je me suis intéressé
à l’aspect orageux des prévisions. Tout en prenant de plus en plus goût à la
prévision en général. D’ailleurs, les plus anciens de chasseurs-orages.com
pourront se souvenir de mes débuts dans la prévision. En effet, en 2006, je
prenais plaisir à concocter des prévisions générales pour la France.
C-O : Je dois te dire que
nous sommes ici tous impressionnés par tes prévisions : comment se fait-il qu'un
jeune garçon se mette à s'intéresser aux prévisions des phénomènes
orageux de façon aussi précise ? Combien de livres,
combien de références as-tu potassés pour arriver à comprendre toutes les
ficelles de la météo des orages ? As-tu suivi par exemple un cursus particulier
pour t'expliquer les bases ou es-tu autodidacte à ce niveau ?
Pour mettre les choses au clair, je suis loin de
connaître toutes les ficelles pour la prévision des orages.
L’intérêt était tout d’abord personnel, je
voulais connaître les zones à potentiel orageux. Néanmoins, après avoir posté
quelques prévisions sur le forum, j’ai particulièrement apprécié vos
encouragements et votre engouement. Du fait de l’absence du prévisionniste de
Chasseurs-Orages.com Xavier Delorme, Christophe Suarez a décidé de me faire
confiance pour remettre en place ces prévisions. Depuis, j’essaie de faire des
actualisations quotidiennes.
Bien sûr, de nombreux livres m’ont permis de me
lancer dans la prévision, exemple avec La Météo de A à Z (édition Stock)
qui offre une bonne compréhension du mode de prévision actuel en faisant un
large point sur les modèles numériques indispensables dans la prévision
d’aujourd’hui. Je me suis aussi intéressé à quelques documents sur les modes de
prévention (particulièrement pour la protection des biens et des personnes), sur
les modes de mesures des conditions atmosphériques (du thermomètre au
ballon-sonde), sur des études climato élaborées par Météo-France…
Puis, en trouvant de plus en plus la prévision
« basique » (température, vent,
nébulosité,…) trop liée aux modèles
et aux maillages utilisés, je me suis progressivement
intéressé à la prévision des orages.
J’ai commencé par lire les explications sur les
cartes de GFS proposées sur Météociel puis j’ai tenté un assemblage de quelques
paramètres qui paraissaient indispensables, à savoir : CAPE, Li et
précipitations convectives. Les résultats étaient déjà satisfaisants.
Traqueur D’Orages d’Alex Hermant (Editions
Nathan) est un livre qui m’a aussi
bien aidé, très complet, il offre de nombreuses indications.
Après, c’est l’expérience qui prime, j’ai
progressivement regardé l’effet de tel ou tel paramètre sur les prévisions
d’orages, c’est comme ça que j’ai découvert certains indices forts utiles.
Lorsque je ne comprends pas un paramètre qui me paraît important, je fais une
recherche pour essayer de l’assimiler et de voir son intérêt. Aujourd’hui
encore, il m’arrive de chercher la signification de certains indices, c’est
comme ça que j’arrive à progresser.
Je dois avouer que l’après-Bac permet de bien
plus rentrer dans le vif du sujet. Même si les notions abordées se
complexifient, ça devient un réel plaisir d’apprendre. Exemple de la Physique où
la mécanique des fluides et la thermodynamique permettent de mieux comprendre
les paramètres utilisés en prévision.
J’ai longtemps voulu être prévisionniste chez
Météo-France, mais contrairement à la physique, mon niveau en maths n’a jamais
été brillant. Au lycée, la tendance s’est progressivement inversée, baisse des
notes en Physique et augmentation de celles de Maths. Néanmoins, mes notes ne
m’auraient pas permis de rentrer à l’ENM. Je me suis donc plus spécialisé dans
l’agronomie afin de garder un contact étroit avec la météorologie.
C-O : Quelle est ta façon de travailler ? Comment
élabores-tu tes prévisions ? Combien de temps cela te prend-il ?
J’entreprends toujours les prévisions dès que
j’ai du temps disponible (souvent le soir) afin d’être sûr de pouvoir les mener
à terme. Comme la passion l’emporte souvent, parfois cela se fait au détriment
des études, mais c’est la règle du jeu.
Au fil des prévisions, ma méthode de travail a
évolué et elle continue encore à le faire. Néanmoins, voilà comment je procède
la plupart du temps :
1)
Je commence toujours par regarder une
carte permettant de mettre clairement en évidence la situation synoptique (à
grande échelle) : il s’agit presque toujours de la pression au niveau de la mer
et des géopotentiels à 500hPa (Z500). J’apprécie particulièrement la
carte Z500 + MLCAPE + pression au niveau de la mer (disponible sur
Lightningwizard) qui permet de rentrer directement dans le vif du sujet :
2)
Je continue ensuite avec les cisaillements de vitesse, le Li, la CIN et
l’indice de CAPE. A ce niveau-là, si les indices ne sont pas bons (CIN trop
forte pour le peu de CAPE, Li trop élevé, CAPE trop faible + forts cisaillements
ou pas de CAPE), je ne vais pas plus loin et je considère que le risque orageux
sera trop faible pour le mentionner.
3)
En revanche, le cas échéant, je délimite
visuellement une zone à potentiel orageux puis je passe à d’autres indices comme
la Température Potentielle Equivalente, les différences de
températures entre le sol et 500m et entre 2000m et 4000m, l’épaisseur de la
couche instable, la convergence en basse couche (<2km) et les précipitations
convectives. Si une fois de plus, les paramètres me confortent dans l’hypothèse
d’une zone à potentiel orageux, alors je passe à l’émagramme afin de visualiser
d’un seul coup d’œil l’état de la troposphère (altitude des différents niveaux
de pression de référence, cisaillements directionnels et de vitesse jusqu’à la
tropopause, allure de la courbe de température de l’air et celle du point de
rosée…).
L’émagramme me permet aussi de visualiser les
caractéristiques du probable futur cumulonimbus (Niveau de Condensation
par Ascension, Niveau de Convection Libre, Niveau
d’Equilibre Thermique, puissance ascensionnelle via le Total
Vertical, la proportion et disposition de l’Energie Potentielle
de Convection Disponible (CAPE), le Li, la zone d’alimentation de
l’orage grâce à la disposition de la température de l’air par rapport à celle du
point de rosée et à l’humidité absolue (rapport de mélange), le Total Total,…)
Tout ceci me permet de donner une indication sur
le risque orageux et sur les types de phénomènes à attendre.
Lors de réelles dégradations orageuses, je
regarde bien plus de cartes avec par exemple la PVU, en haute altitude bien sûr
mais aussi aux alentours de 500hPa, la divergence en haute troposphère, la
convergence vers 3000m, le Thompson Index, le K index, parfois même, je me
surprends à calculer le SWEAT ou le BRN ou à regarder l’hélicité (pour avérer ou
non un risque supercellulaire). La plupart du temps, je fais aussi un tour sur
les modèles à mailles fines.
D’une manière générale, une prévision pour une
période de 24 heures me prend une heure. Néanmoins, ce temps peut être quasi nul
sans ou avec un faible risque d’orage. Il peut aussi être doublé dans des cas
complexes ou lors d’orages étendus.
C-O : Avec l'avènement
des modèles, des programmes de prévisions automatiques ont fleuri sur Internet.
Quel crédit leur accordes-tu ? Au delà, quelle est la plus-value d'une analyse
humaine, selon toi ?
Tout dépend du type de prévision qui est
effectué. Je pense qu’elles peuvent se montrer très fiables pour la température
ou le vent une fois que l’on intègre la topographie, l’urbanisme ou encore le
réseau fluvial et maritime aux calculs.
Néanmoins, il n’y a aucun crédit à apporter à de
telles prévisions lorsqu’il s’agit des orages. En effet, le nombre de paramètres
à prendre en compte ainsi que leurs corrélations souvent particulières seraient
alors très difficile à modéliser. Il n’y a pas de secret : une prévision
implique une analyse des conditions atmosphériques. Parfois, des calculs
ne sont pas mis en jeu, c’est là la plus-value de l’Homme.
Je pense néanmoins qu’au fil des années, des
algorithmes capables de modéliser un grand nombre d’issues afin d’accomplir
toutes sortes de prévisions seront établis.
C-O : Depuis que tu fais des prévisions d’orages,
quelle est la situation qui t’a le plus marqué ? Et peut-être aussi, quel est
ton plus gros loupé, et comment l’as-tu analysé ?
Les loupés sont
quotidiens. J’essaie d’allier précision et
réussite et c’est loin d’être facile. De ce
fait, l’avantage de l’information précise est
étouffé par le développement d’orages
à l’extérieur des zones prévues, dans des
conditions que je jugeais peu favorables. C’est un choix que
j’ai fait, je préfère parler d’un réel
risque orageux en en donnant les possibles caractéristiques, que
d’une possibilité de développements convectifs sans
intérêt même si parfois ceux-ci se montrent plus
actifs que ce que j’envisageais et de ce fait, font grimper le
taux d’erreur.
Un gros loupé : Le 2 juillet 2008 du Centre-Est Bourgogne
jusqu’à la Belgique. La situation était fortement
instable avec une CAPE à 3000, une hélicité
à décorner un bœuf, etc… Le seul
problème était de trouver comment tout cela pouvait
aboutir. En effet, pas de convergence, pas de front, peu de relief, une
pression pas forcément très basse et donc faible risque
de développement par simple convection. Comment faire ? En
raison d’un potentiel énorme et d’un fort risque
supercellulaire si des orages arrivaient à se développer,
je me suis jeté à l’eau et j’ai bien
tartiné de rouge une grande partie de la zone. Au final, rien ne
s’est passé. Depuis, je garde le rouge au fin fond du
tiroir pour des situations vraiment exceptionnelles.
Ce sont les orages méditerranéens qui m’ont le
plus marqué avec, par exemple, celui du 4 septembre 2008 où une supercellule
prenait naissance sur la montagne noire dans un flux de sud-ouest avant de
descendre sur Béziers puis de se scinder en deux puissantes cellules tout en
reprenant le flux. C’était assez impressionnant, tant sur les radars et
satellites que sur le terrain. Pile électrique sous visibilité occultée par une
quantité de nuages marins très bas, quelle ambiance ! Avant le passage de la
cellule, fortes rafales puis trombes d’eau sous des détonations incessantes
avant que celle-ci ne s’éloigne vers Istres en perdant de son activité.
C-O : Penses-tu que la prévision des orages telle
que tu la pratiques, c’est-à-dire, en amateur, peut être d’utilité publique,
dans le sens où, pour l’instant (peut-être que ça changera), les prévisions de
Météo France pour les orages sont toujours payantes ?
Tout dépend de ce que l’usager recherche. Si
c’est pour la chasse à l’orage, oui, et je fais tout pour que cela soit le plus
utile possible (déplacement probable des cellules, orages isolés ou bien
nombreux/généralisés, intensité probable, localisation la plus éventuelle,
période de risque orageux avec une dissociation orages diurnes/orages
nocturnes). D’une manière générale, toute prévision d’orage est intéressante et
regarder plusieurs sites de prévision permet d’avoir une idée de la probabilité
qu’un orage survienne à tel ou tel endroit. Il est rare que tous se trompent sur
une situation, à moins d’une erreur dans les modèles.
Si c’est pour sa protection ou celle de ses
biens, alors je lui conseille d’être fidèle aux vigilances émises par
Météo-France.
C-O :
Enfin, question pour les
néophytes : quels conseils donnerais-tu aux débutants qui voudraient se lancer
dans la prévision des orages ?
Bien sûr, comme il serait trop
long d'expliquer ici toutes les démarches à effectuer pour concocter une
prévision d'orages, je leur conseille tout d'abord de me contacter pour que nous
puissions en discuter. Il est aussi tout à fait possible d'ouvrir un post sur le
mode de prévision des orages. Avis aux amateurs.
Néanmoins, si vous débutez
totalement en matière de prévision (et même si ceux qui en font vont bien
rigoler), je vous conseille de commencer par un couplage CAPE, Li
et précipitations convectives.
Toutes ces cartes sont très
faciles d'emploi et sont disponibles au quotidien via GFS sur Météociel.
Grosso-modo, si vous vous trouvez
dans une zone de précipitations convectives, il y a un fort risque de
développement convectif. Ce risque est d'autant plus fort/généralisé que la
quantité de précipitations à attendre est importante (voir échelle).
Je considère comme orage la
présence d'activité électrique.
Sans précipitations convectives
vous négligerez le risque orageux.
En revanche, si elles sont
présentes, passez au Lifted Index (Li). Si celui-ci est supérieur à 6, aucun
risque orageux. Pour des valeurs positives donc entre 0 et 6, le risque orageux
est bien présent mais il sera limité. Rien d'intéressant à attendre à part
peut-être une faible activité électrique mêlée souvent à de fortes
précipitations. Plus le Li sera faible (Négatif) et plus le risque orageux sera
important. L'orage en question aura également plus de chance de se développer de
façon puissante (fortes ascendances).
Pour finir : l'indice de CAPE (convective
available potential energy).
En cas d'absence, le risque
orageux sera considéré comme négligeable, quelles que soient les valeurs des
paramètres précédents. Plus les valeurs sont fortes et plus les orages auront la
possibilité de se montrer puissants.
En bref :
-
Précipitations
convectives :
détermination d'une zone qui devrait subir des évolutions convectives.
-
Li
: des orages pourraient bien être à l'origine de ces précipitations convectives
si les valeurs sont inférieures à 6 et particulièrement si elles sont négatives.
Risque d'orages d'autant plus important que le Li est négatif.
-
CAPE
: Affirmation ou réfutation du risque orageux. Les orages pourront se montrer
d'autant plus forts que la CAPE est forte.
Bien sûr, malgré les indications
qu'il peut apporter, ces paramètres sont vraiment insuffisants pour une réelle
prévision d'orages. Il n'a même pas été question du cisaillement qui est
pourtant indispensable.
C-O :
Un dernier mot à ajouter pour la
communauté des Chasseurs d’Orages ? Tu as carte blanche…
Bah, tout d'abord merci pour cette
interview très sympathique, les questions sont tout à fait pertinentes. Rien de
particulier à rajouter si ce n'est : Vivement les gros orages de 2010 ! Je vous
souhaite à toutes et tous de merveilleuses chasses !
Merci à C. Suarez,
Maxime (Aéromax) et Elsa (Zazounette) pour la préparation de cette
interview…
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