"Chasse croisée", un orage orographique multicellulaire exceptionnel, dans le Nord des Alpes.

Un récit de Christophe Suarez et Marion suarez

Ce lundi 03 juillet ne promet rien de particulier. Pourtant, sous une chaleur pesante, cette atmosphère lourde pourrait laisser présager une sortie nocturne. Il est 20h, je quitte mon job et remarque un énorme Cb, non loin de Genève. Faisant route, j'assiste à un merveilleux spectacle: Faisant écran au soleil, la base du Cb laisse passer une lumière rougeâtre. La belle enclume se dessine sur la tranche, et je détaille tous les ingrédients du Cb, tel que je les imagine, comme un dessin dans un livre. L'enclume, le bouillonnement sur l'avant,  la base, la zone de précipitations... Roulant en moto, je n'ai pas pris mon appareil photo et profite du magnifique spectacle. Sur ma gauche, vers les reliefs, les cumulus congestus bourgeonnent et ressemblent déjà à de petits Cb dont le sommet n'est pas très précis.  Faisant route, je constate que la cellule ne bouge pas , assez rapidement, je constate qu'il s'agit d'un Cumulonimbus à développement orographique. A ce moment précis, je pressens une soirée intéressante. Sans délaisser le paysage, j'augmente sensiblement ma vitesse (c'est un euphémisme ;-) ) pour rejoindre Annecy et repartir avec mon matériel photo. Arrivé à la maison, je récupère la valise magique, les trépieds, et propose à Marion, ma fille de vivre sa première chasse à l'orage.

Nous reprenons la route vers le nord. Je contacte Nicolas, qui est sur les starting blocks, et se dirige lui vers le Valais. Le ciel est extraordinaire et le coucher de soleil décompose les nuages en nuances rougeâtres. La beauté du spectacle se suffit à elle-même, quand bien même il n'y aurait pas d'activité électrique. Sur l'autoroute, en direction de Genève, nous faisons une halte sur une aire de repos pour prendre de premières photos. Fort heureusement, le "Cb de Bellegarde" n'a pas faibli. Juste sous l'enclume, le soleil couchant met en valeur des mamelles de précipitations.

Chemin faisant, le choix d'un endroit d'observation idéal se pose.  Rapidement, j'opte pour le Salève. Du haut de ses 1400m, la Salève est un point d'observation idéal sur le Nord des Alpes et le Jura. Sur la route sinueuse de Salève, je ne peux m'empêcher de faire une halte et photographier une cellule bourgeonnante sur les montagnes du Chablais.

Excité par ce ciel somptueux, j'augmente le rythme pour atteindre le sommet au plus vite. Le spectacle que je découvre nous fascine. Marion m'aide à déplier les trépied et je commence une longue série de clichés au soleil couchant.

A l'est se profile un ciel intéressant. Les castellanus laissent augurer une soirée électrique.

La cellule du Chablais se renforce et ressemble maintenant à désormais à un véritable cumulonimbus orographique

La nuit arrive. Nicolas me rappelle. Il se trouve de l'autre côté du Léman, dans le valais et me commente ses premiers clichés de foudre. Nicolas est très excité, c'est un vrai feu d'artifice. Un peu déçu de ne pas me trouver au même endroit, pour me consoler, je me dis qu'avec avec Marion, de toutes façon, je ne souhaite pas prendre de risque et trop me rapprocher de la cellule destructrice. De notre côté, nous observons la convection effectuer son travail. Les tours prennent de la hauteur, la chaleur continue d'alimenter le complexe orageux, ces nuages deviendront plus tard un Cb très actif. Sur la photo ci-dessous, la montagne sur la gauche est le Môle. En forme de cône quasi parfait, cette montagne de 1900m sépare la vallée de l'Arve de la vallée du Giffre. Au pied du Môle les lumières de Bonneville illuminent la vallée de l'Arve.

Nicolas poursuit son épopée fantastique. Posté sur les hauteurs du Lémanique, non loin de Montreux, il obtient de magnifiques clichés.  C'est à ce moment qu'avec Marion  nous observons les premiers éclairs au loin, au dessus du Chablais.

Nicolas me rappelle. Il est enthousiasmé. Cet orage orographique est très électrique, il y a un coup de foudre toutes les deux-trois secondes ! De notre poste d'observation, l'intensification de l'orage est évidente. Pourtant, les impacts restent lointains, et je me demande si nous devrions pas rentrer. Lorsque, soudain, des coups de foudre puissants éclatent plus à droite,  sur la vallée du Giffre. Grand sourire béat et incrédulité, d'incroyables impacts illuminent le ciel de Bonneville, le spectacle ressemble au feu d'artifice décrit par Nicolas quelques minutes plus tôt. Mais nous n'avons encore rien vu...

En effet, quelques minutes plus tard les éléments se déchaînent. La foudre tombe toute les secondes dans la vallée et nous n'en croyons pas nos yeux. Il s'agit bien de l'orage multicellulaire orographique de l'année !

Puis à gauche, en direction du Chablais, l'offensive reprend de plus belle...

A gauche, à droite, je shoote sans arrêt avec les deux appareils. Sur les photos ci-dessous, la base du cumulonimbus qui est juste derrière le Môle, probablement au dessus de Cluses, est bien visible.

Finalement, à une heure bien avancée de la nuit, les cellules faiblissent et nous décidons de plier bagages, avec le sentiment de ramener un petit trésor dans nos cartes mémoires,  mais aussi dans nos esprits. A la maison, je ne trouve pas le sommeil et m'empresse de décharger les cartes pour sauvegarder mes images. Je suis très heureux, mais ce que je ne sais pas encore c'est que le lendemain me réservera une deuxième nuit d'exception: Orage du 04-07-06 .

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