L'orage du lundi 23-06-03 par Philippe Talleu
Déjà en alerte depuis quelques jours, j'étais persuadé que cet orage se produirait. C'est ainsi que je décidais Dimanche soir de mettre le réveil à sonner en pleine nuit à 1 heure, afin de surveiller sa venue.
Mais un quart d'heure avant la sonnerie, je me réveillais de moi même car ne dormant pas profondément, du fait du risque orageux. Vite, j'interrogeais les cartes d'impacts,et là alerte !! : les
premiers coups de foudre venaient de se produire sur notre région, de plus l'intensité orageuse était sévère, remontant simultanément par les côtes du Pas-de-Calais et par le Sud de Lille.
Je passais le nez dehors, et là aussi confirmation, car les lueurs se devinaient déjà au loin direction Sud Ouest. Vous connaissez donc la suite: plus une minute à perdre, et procédure désormais classique, prendre le matériel et foncer !!
Jusqu'ici tout cela restait assez habituel, me direz vous, mais après un kilomètre de route, ce côté routinier disparut soudainement
car j'avais affaire à un orage hors du commun.
Un premier éclair internuageux muni de longues fourches me surprit à gauche de mon pare-brise, c'est pourquoi je m'exclamais de
stupéfaction:" incroyable !!". Puis je continuais en direction du Mont Cassel, mon lieu fétiche, où j'y avais trouvé la veille un splendide panorama justement orienté
plein Sud Ouest. Une fois installé sur place, la chance semblait au rendez-vous puisque les éclairs étaient encore assez éloignés pour établir de
nombreux plans photographiques et sans pluie de surcroît. Le spectacle était tout simplement magnifique et je dénombrais au moins deux foyers orageux du Sud à l'Ouest avec une prédominance au Sud
Ouest. L'activité électrique était très fournie, notamment avec des éclairs internuageux démesurés de plusieurs dizaines de kilomètres venant déchirer tout l'horizon, certains duraient facilement deux
secondes. L'ambiance était féerique et des impacts fortement lumineux éclairaient le paysage comme en plein jour. Après avoir réaliser une cinquantaine de clichés pendant plus
d'une heure, je me rendais compte que les foyers orageux s'éloignaient et que l'un d'entre eux filait vers Dunkerque. Je tentais encore quelques prises en sa direction, mais il était
dorénavant trop lointain pour demeurer photogénique,c'est pourquoi je pris la décision de le rattraper sans plus attendre. Après avoir descendu le Mont Cassel aussi rapidement que je
l'avais monté, quelle fut ma surprise en voyant la puissance et la multitude des coups de foudre derrière les arbres à ma gauche.
L'idée me vint alors de tenter quelques photos d'éclairs sur fond boisé.
Puis après quelques minutes d'arrêt sur le bas côté de la route pour les prises de vues, il me fallait repartir au risque de laisser s'échapper l'orage.
La poursuite reprit de plus belle,et près du château d'eau d'Arnèke peu avant ce village,les coups de foudre étaient très visibles et très nets. Le dilemme était insupportable : fallait-il stopper net et
photographier à cet endroit ou rejoindre une butte à dix kilomètres plus au Nord surplombant tout le Dunkerquois en espérant y rejoindre le plus gros de l'orage ?
Je n'avais pas des heures pour me décider, et le choix fut vite fait ne trouvant pas d'endroit idéal pour me garer. Poursuivant mon avancée vers la côte, je vivais un rêve tout éveillé.
En effet, je pouvais contempler des éclairs quasiment tropicaux sur un joli fond musical de l'autoradio. La chasse était à son paroxysme et c'était un vrai bonheur, dont
les mots ne remplacent pas le vécu,à tel point que pendant un moment je n'avais qu'une envie : continuer à rouler dans ce monde de visions
surréalistes. Mais il ne fallait pas succomber au chant des sirènes, afin de revenir à la prise photographique, l'important n'était pas uniquement de
se faire plaisir, mais aussi de ramener quelques jolis trophées.
Me voici maintenant sur cette fameuse hauteur d'où je pouvais admirer toute l'agglomération dunkerquoise, j'avais bien évalué la trajectoire du foyer orageux puisqu'en arrivant sur les lieux, je me
trouvais pile dans la zone de foudroiement. Les précipitations peu importantes me permirent de prendre des clichés à l'extérieur du véhicule, cependant subitement l'euphorie des
minutes précédentes se transforma bien vite en un farouche instinct de survie,car quatre puissantes chutes de foudre tombèrent à quelques
centaines de mètres de ma position. Cela a de quoi refroidir les chasseurs d'orages les plus valeureux,car la foudre nous rappelle soudainement notre petitesse face
à cette force de la nature. D'où mon hésitation quant à continuer les prises de vues en extérieur,mais la pluie aidant, ma décision fut rapidement prise car il
fallait protéger les appareils de l'humidité et le bonhomme de l'électricité ambiante, dirons nous !!. Fort heureusement, l'orage se déplaçait à vive allure, ce qui permit
d'écarter le danger et donc de reprendre les photos à l'arrière de ce brasier d'électricité.
Les pluies relativement peu intenses n'obstruèrent pas le
panorama, facilitant ainsi la réalisation de superbes clichés de chutes de foudre ramifiée et d'interminables éclairs internuageux. Après tout cela, la chasse touchait tout de même à sa fin, car le
système orageux que je suivais, s'enfonçait en mer, et les autres étaient désormais trop éloignés pour tenter de les traquer. De plus, il était environ quatre heures du matin, et à travers les trouées nuageuses d'Est, je devinais le lever du jour.
J'apercevais encore quelques décharges à plus de dix kilomètres, mais elles étaient trop disparates et lointaines. Sur le chemin du retour en regardant dans le rétroviseur, je
visionnais le dernier éclair de cette nuit fabuleuse, en ne pouvant m'empêcher de lui faire un signe en guise d'au revoir, et de remerciement pour cette folle nuit au spectacle d'une autre dimension.
Cela peut paraître bizarre, mais des liens se créent avec ces mastodontes électriques, et j'étais partagé entre l'admiration et le profond respect à leurs égards, et le soulagement d'avoir été épargné.
Voilà pour le récit de cette traque d'orages qui fut l'une des meilleures vécues au cours de ces cinq dernières années. J'espère avoir réussi à vous faire vivre pleinement cette
aventure, les mots étant bien difficiles à trouver pour traduire les émotions exaltantes et le pur bonheur de ces quelques heures nocturnes.
J'ai mis tout mon coeur à l'élaboration de ce récit, afin qu'il soit à la hauteur de cet orage magnifique.
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