Les éclairs ne perdent pas le nord !!
Mardi 4 juillet 2006, 23 heures…
La nuit jette son manteau gris sur les
Flandres, il me semble apercevoir les premières lueurs d’un orage prometteur.Je
sors de la maison, afin de vérifier ce qu’il en est vraiment… Cette fois, le
doute n’est plus permis, un orage fortement électrique remonte rapidement vers
moi. J’attrape mon matériel, heureusement préalablement préparé, puis me dirige
en courant vers ma 205 rallye garée dans la rue en face de chez moi. Quelques
secondes pour trouver une bonne musique motivante et me voilà parti vers des
cieux électriques.
La situation se montre tout de suite plus
compliquée que prévue, car le foyer orageux qui me semblait encore si lointain,
est maintenant tout proche. L’option de me percher sur le mont Cassel à 10
kilomètres de là n’est plus réalisable, tant cet orage approche à grandes
enjambées. Je choisis donc de m’installer en face du mont, en espérant avoir les
quelques instants nécessaires à l’installation de la voiture et du matériel. Me
voici enfin prêt, ces minutes de trajet et de préparation paraissent toujours
trop longues, tant on a hâte de photographier le monstre en approche. Il me
reste à choisir entre la photo argentique et le numérique, ayant les deux
appareils avec moi. L’habitude aidant, le choix est vite fait et c’est presque
le cœur qui se laisse tenter par le bon vieil argentique. Le premier déclic
retentit et me rassure, car la chasse est donc lancée…
Les éclairs sont forts et éblouissants,
aucune goutte d’eau ne vient les contrarier et leur blancheur n’en est que plus
forte. Ils semblent frapper sans aucune retenue tout ce qui s’élève autour et
sur les monts des Flandres, celui de Cassel et celui des Récollets. L’admiration
du spectacle laisse un peu place, je l’avoue, à un sentiment de méfiance face à
cette force électrique d’une rare violence. De plus, je me sens de plus en plus
petit et seul, sur le bord d’une route elle-même perdue au milieu des champs. Je
suis dès lors une proie facile pour cet amas orageux à l’appétit féroce.
Il me faut donc rester raisonnable et me
décider à partir éventuellement. Pour m’aider à prendre cette décision, je
compte les secondes séparant l’éclair du tonnerre, afin d’évaluer la distance
entre l’orage et moi-même, tout en observant l’évolution de sa direction. Les
éclairs les plus proches sont entre 3 et 5 kilomètres et tout cela ne se dirige
pas directement sur moi, mais se décale à l’ouest semblant contourner les monts.
Ceci est une excellente nouvelle, car je peux rester au même endroit pour
photographier sans trop de dangers. Mais voilà que le souffle du géant se fait
sentir, en effet de puissantes rafales de vent m’obligent à maintenir mon
trépied pendant les photos, afin qu’il ne chute pas. Cette fois, les éclairs
bifurquent nettement à l’ouest, m’obligeant à recadrer mon appareil photo. Je
cadre désormais l’arrière du foyer orageux et les éclairs internuageux y sont
plus nombreux et démesurés. Deux d’entres eux ont la gentillesse de venir se
figer sur la pellicule, non sans me faire sursauter de leur roulement de
tonnerre caractéristique. Cela semble annoncer le bouquet final, du moins à cet
endroit…
En effet, l’orage s’approchant des côtes
dunkerquoises au nord, il me faut changer d’emplacement et le suivre. Me voilà
sur la route tentant de rattraper cet orage qui ne s’occupait guère de
m’attendre, bien au contraire, il semblait attirer par la mer comme s’il voulait
y goûter. Je n’aime pas cette perte de temps due au parcours routier, où je ne
photographie pas et cela est très frustrant. Lors du trajet, ma vue croise
encore ces internuageux envoûtants, ils viennent déchirer la nuit sur des
dizaines de kilomètres et prennent les formes les plus folles, quel spectacle !!
J’arrive près du village de Pitgam, sur une colline surplombant tout le littoral
dunkerquois. Cependant, j’ai du mal maintenant à discerner la trajectoire de
l’orage, tellement le ciel est illuminé de toutes parts. Après quelques
hésitations, je choisis le cadre d’une vieille maison illuminée par la foudre.
Puis, je me dirige vers le moulin du village pour y tenter une paire de clichés.
La chose réalisée, je gagne une seconde butte plus proche encore de Dunkerque,
c’est payant car à peine installé, je suis récompensé par plusieurs chutes de
foudre généreuses.
Il est maintenant 1 heure de la nuit et cet
orage s’enfonce vers la mer, je suis encore à 20 kilomètres du large et il est
trop tard pour tenter des éclairs au-dessus de la mer du Nord. Je m’apprête à
partir quand deux faits me surprennent, le premier est qu’un seconde foyer
orageux semble naître à la frontière franco-belge et le second est que les
occupants d’une voiture s’intéressent à moi. Il s’agissait d’un couple, l’homme
me demande : « Vous êtes perdu ? ». Moi de répondre que non en précisant que je
photographie les éclairs, perdu dans mes délires de chasseur, mais pas égaré du
tout d’un point de vue routier. La dame conclut alors : « Ah, d’accord très
bien, bonne soirée »
Bonne nuit aurait été plus approprié à une
heure si tardive, mais je fus étonné que ces gens ne l’étaient pas davantage, en
surprenant un traqueur un peu fou au milieu de nulle part en pleine nuit.
Revenons à cet orage franco-belge, je rebrousse donc chemin pour m’orienter plus
à l’est, arrivant ainsi près de la ville de Wormhout. Malheureusement, ces
éclairs sont beaucoup plus loin qu’estimés et bien pâles. Le spectacle est bien
différent du précédent, où les éclairs étaient aveuglants.
Il est presque deux heures de la nuit et
cela touche à sa fin. Les dernières lueurs jaillissent au nord-est et je dois me
résigner à quitter ce monde fantastique, pour rejoindre une dimension plus
ordinaire. Le retour est à la fois reposant et nostalgique, reposant car je peux
enfin souffler et nostalgique car cet orage qui s’éloigne, est comme un ami qui
me quitte. A peine parti, je sais déjà qu’il va me manquer et que je compterai
les jours pour le revoir.
Merci à toi orage d’une nuit pour avoir
illuminé mon chemin et m’aider à le poursuivre, en attendant de te croiser à
nouveau…
TALLEU Philippe
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