Orage du 07 septembre 2006 par
Christophe Suarez
Ce jeudi 07 septembre est exceptionnel à plusieurs
titres. Le jeudi qui suit le premier dimanche de septembre, appelé jeûne
genevois, et célébré depuis le 16e siècle, est férié à Genève. Fort de cette
journée de congé, j'accueille les prévisions d'orages avec enthousiasme.
Auscultant le ciel depuis la terrasse, j'observe avec gourmandise la lente
ascension des tours cumuliformes sur le massif des Aravis. Telle une peinture
abstraite, La carte satellite est ornée de tâches blanches remarquablement
denses, mais le nord des Alpes est recouvert d'un voile plus fin. Je décide
d'attendre un signal évident pour orienter ma chasse. Car les vallées alpines
sont d'interminables labyrinthes ou l'on mesure les distances en minutes,
parfois en heures et non pas en kilomètres. L'expérience aidant, le chasseur
d'orage se place sur une hauteur, à l'intersection de plusieurs vallées,
étudiant le ciel avec circonspection avant de s'engager sur des routes impasses.
Puisqu'il faut bien se décider, j'embarque le
matériel, me dirige vers la Roche-Sur-Foron, et stoppe le véhicule près d'un
point de vue sur l'ouest. Un bref échange téléphonique avec Nico confirme la
tendance: l'heure est à l'expectative ! Pendant un moment, je détaille
l'évolution d'un cumulus congestus aux formes prometteuses.
Il n'est que 18h45, je suis confiant. Tranquillement, je repars en direction de
Cluses pour me rapprocher du nuage menaçant. Arrivé à Cluses, je fais le plein
du véhicule et me restaure pour aborder la soirée sereinement. Le soleil
rougeoyant colore les premiers étages nuageux. Un cb immaculé, aux contours
indécis, se détache du ciel chaotique.
Il est 20 heures, la chasse est lancée, je me dirige vers Samoëns, où les orages
orographiques prennent souvent des proportions cataclysmiques. Le sommet du cumulonibus ne semble pas très net. Pourtant je perçois déjà une activité
électrique intranuageuse. Je me poste sur un point haut, visse le ND8 sur
l'objectif, et prend quelques photos dans l'espoir de figer quelques lueurs sur
le capteur.
La foudre se refuse, mais le spectacle du coucher de soleil illuminant l'énorme
masse suffit à me réjouir. Quelques coups de foudre semblent avoir raison du Cb
et je me résigne à rebrousser chemin. Sur la route de montagne, je remarque de
nouvelles lueurs. Contournant le massif, je décide de prendre la direction des
Carroz pour dominer le paysage. Un cumulus congestus prend de la vigueur et ne
devrait pas tarder à manifester des velléités d'orage.
Menant aux stations de haute montagne, la montée est interminable. Je recherche
l'endroit idéal pour profiter du spectacle. Une petite église, mise en valeur
par un éclairage urbain, me semble attrayante, je stoppe mon ascension et
installe le trépied.
La cellule manque de vigueur et ne donnera, je le devine que quelques coups de
foudre. Au loin, vers la droite, de nombreuses lueurs proviennent de la région
de Briançon où l'activité électrique semble intense. Je suis trop loin pour
intercepter cette cellule, située derrière le massif du Mt-Blanc. Il fait
désormais nuit noire. Avec application, je continue à photographier la cellule
la plus proche.
Rapidement et comme prévu, le nuage retombe, laissant un goût d'inachevé à cette
soirée orageuse. Quelques lueurs apparaissent au nord, dans mon dos. De retour
dans la vallée de Cluses, Nicolas m'appelle, très excité, et me commente un
formidable spectacle au pied du Jura. Proche de l'autoroute, je prends le
premier embranchement en direction de Genève. Tout en roulant, j'assiste aux
colères du cumulonimbus. Un extraordinaire feu d'artifice illumine les
entrailles du géant. Je presse mon allure dans l'espoir de photographier un seul
de ces multiples éclairs intra et extranuageux, mais les 20 minutes de route ont
raison de l'orage. Placé sur un point haut dominant Annemasse, face à Genève,
j'observe l'évolution d'un nouveau congestus. La convection est telle que des
champignons poussent en permanence, mais la dynamique d'altitude semble un peu
insuffisante. Je place néanmoins quelques espoirs dans la cellule qui naît juste
en face.
Aussitôt née, la cellule meurt, cette soirée ne me sourit décidément pas !
Nicolas me rappelle et me signale un début d'activité au nord du Léman. Un peu
frustré, je tente l'aventure. Une fois de plus, j'admire un magnifique spectacle
en conduisant mais je sais qu'il est déjà trop tard. La lune, comme pour me
défier, s'invite au spectacle et dessine le contour de tourelles convectives. En
ombres chinoises, des champignons se font et se défont mais le panier reste
vide. Lorsque j'arrive sur un point de vue, le gros cumulonimbus au nord du
Léman a déjà déchargé toute son électricité...
J'attends quelques instants une nouvelle formation orageuse. Les lumières de
Thonon et d'Evian illuminent une dernière fois le ciel de coton, avant de
laisser place à la lune et aux étoiles. Et de filaments, le ciel redevient
firmament...
A voir: les photos de ces fameux éclairs extranuageux par Nicolas Gascard ...
http://photonicolasgascard.bleublog.ch/general/eclairs-extranuageux-dans-un-cb-isole-1.html
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