La photographie d’orages selon Daniel
Verschueren (Juin 2005)
Préambule:
Ce chapitre n’a pas pour vocation d’être « LA SOLUTION » aux prises de vues des phénomènes orageux, mais plutôt une voie à suivre lors de nos expéditions sur le terrain.
L’exercice est bien plus délicat de jour que de nuit, car la lumière ambiante empêche les longues poses et oblige dès lors une toute autre approche des prises de vues. Mais avant tout, il faut connaître son appareil photo sur le bout des doigts pour ne pas avoir une crise de nerf le moment venu et de tout faire valdinguer par un coup direct du pied, dès lors, RFM (Read the Fucking Manual). Un petit survol sur les fonctionnalités/options de bases, mais essentielles, les plus usuelles sur l’appareil photos va être énuméré pour ce genre de sport extrême. L’optique est l’élément le plus sensible de l’ensemble du matériel de prise de vue. Les surintensités lumineuses ne vous feront aucun cadeau, ce sera donc un excellent test de vos optiques mais oh! combien décevant parfois.
Même si la photographie d’orages est excitante, restez prudents ! N’oubliez jamais les règles de sécurité, gardez à l’esprit que ces phénomènes sont totalement imprévisibles et dangereux, aussi bien pour vous que pour le groupe qui vous accompagne.
Avant de partir à la chasse, organisez-vous, préparer votre matériel avec minutie et ne négligez aucun détail, même si cela gronde de tous côtés.
1. Connaître son appareil photographique
1.1 Numérique VS argentique :
Que l’on soit en argentique ou numérique, rien ne change point de vue réglage.
Voici une liste non exhaustive en rapport à notre sport.
1.1.1 Le numérique :
+ Capacité de changer la sensibilité instantanément
+ Visualiser le résultat immédiatement
+ Effacer au grès les mauvais clichés sur le terrain…
+ Nombre de prises de vues quasi illimitées
+ Faible coût d’exploitation.
- Coût d’achat très élevé (réflexe + optique)
- Post traitement et enregistrement parfois très long.
-/+ Concernant les ‘bridges’*, optique beaucoup trop douteuse par le fait de couvrir des longueurs focales trop élevées.
* Les bridges sont des appareils photos numériques équipés d’une optique zoom non amovibles et d’un viseur numérique.
1.1.2 L’argentique :
+ Aucun post traitement, tout au plus une avance du rouleau après la prise de vue soit par moteur ou par l’opérateur.
+ Coût d’achat peu élevé
- Attendre le développement du rouleau
1.2 L’optique :
L’optique est l’élément des plus déterminant.
De préférence il est conseillé d’utiliser des optiques à focale fixe.
Celles-ci sont construites afin de réduire au maximum les aberrations chromatiques.
Pour rappel, l’aberration chromatique (AC en anglais) ou ‘contour violet’ (PF en anglais) est visible lors d’un fort contraste, ce qui, lors d’éclairs très proche, est
monnaie courante.
Néanmoins, en numérique il sera toujours possible d’effectuer une correction grâce à des filtres spéciaux. Ce post-traitement reste toutefois visible et trahit la qualité de la photo et le matériel par la même occasion.
Le zoom est toutefois envisageable afin de couvrir une plus grande variété de focales, mais le prix de telles optiques n’est malheureusement pas à portée de toutes les bourses.
Ils sont plus sujets aux aberrations chromatiques dans les bas de gammes.
1.3 Longueur focale :
Suivant les circonstances de prises de vue, orages près ou lointains, différentes longueurs focales seront utilisées.
Que ce soit réalisé avec des optiques fixes ou zoom, le strict minimum de couverture focale devrait se situer entre 28 et 180mm.
Pour travailler plus confortablement, une plage 16 à 400 mm constitue le must et permet d’envisager tous les cas de figure.
Remarque importante : Les longueurs focales sont souvent exprimées pour des formats 24x36 (reflex), il y a lieu de faire une conversion suivant la tailles des capteurs CMOS ou CCD.
Ex : un zoom canon 16-35 L 2.8 monté sur un 350D aura une longueur focale résultante de (16 x 1.6) à (35 x 1,6), donc 25,6 x 57.6.
De plus, sur les bridges, cette longueur focale est souvent exprimée suivant la grandeur du capteur. En général, le manuel d’utilisation informe dans un tableau la correspondance avec le format 24x36.
1.4 L’ouverture :
L’ouverture est exprimée par la grandeur f et détermine ainsi la grandeur de l’obstruction de lumière créée par le diaphragme (Intrusion alien, fermez l’iris.. SG1)
Nous parlerons de grande ouverture lorsque ce chiffre f sera petit, et inversement.
Le nombre f indiqué sur un objectif est celui donné à l’ouverture maximum et est déterminé par le diamètre de l’ensemble optique, en d’autre mots, plus ce chiffre est petit, plus la quantité de lumière entre, donc on peut diminuer le temps de pose (très
utile pour des concerts sans l’utilisation d’un flash).
Certaines optiques zoom permettent des ouvertures constantes, tandis que d’autres sont variables suivant leur longueur focale.
Ex : CANON EF 70-200 IL F2.8 (ouverture constante sur toute la longueur focale)
Ex : CANON EF 100-400 IL F 4-5.6 (ouverture 4 à 100mm et 5.6 à 400mm)
Le minimum d’ouverture est limité par le mécanisme du diaphragme.
L’ouverture permet non seulement le dosage de la quantité de lumière par rapport au temps de pose afin d’obtenir un cliché correctement exposé, mais permet également de doser la profondeur de champ (zone de netteté).
Plus ce nombre est élevé, petite ouverture, plus la profondeur de champ est grande. Dès lors, pour des photographies d’orages avec un paysage ayant des avant- et arrière-plans, il est préférable d’utiliser des ouvertures comprises entre 5.6 et 11.
Petite remarque : Plus l’ouverture est faible et plus les poussières et autres impuretés déposées sur le capteur seront visibles sur le cliché.
Prévoyez de temps en temps un nettoyage du capteur.
1.5 Temps d’exposition :
Le temps de pose ou ‘temps d’obturation’ est le temps de dépôt de la lumière sur le capteur/film.
Ce temps est généralement réglé en fonction de l’ouverture afin d’obtenir un cliché correctement exposé, ni sous-exposé (trop sombre), ni surexposé (trop clair).
Ces temps de poses sont limités par la mécanique et/ou le programme embarqué sur un appareil photographique.
Le mode BULB, présent sur les appareils sérieux, permet de longues poses dont la durée est déterminée non pas par la logique/mécanique de l’appareil, mais par l’opérateur/déclencheur externe qui détermine ainsi le temps de la pose.
Ainsi, des poses de 30 minutes voir 2 heures sont envisageables, surtout en astronomie, mais il y a lieu de prévoir une alimentation externe dans un tel cas.
De nuit, pour la capture d’éclairs, des longues poses sont bien entendu recommandées.
Deux remarques :
1) Il va sans dire que plus la pose est longue, plus le risque de bouger est élevé.
Un pied stable et robuste est dès lors vivement conseillé. De plus, prévoir un pied muni d’un système d’éjection rapide en cas de fortes pluies subites n’est pas négligeable.
2) Augmenter le temps de pose introduit automatiquement des défauts de bruits en numérique. Non seulement le bruit sera plus prononcé sur les clichés, mais des pixels chauds et froids deviendront visibles également. Le passage à un post-traitement afin
d’éliminer bruits et pixels défectueux est vivement recommandé.
1.6 Compensation d’exposition – Notion du terme ‘EV’ :
Les appareils photographiques actuels sont équipés d’un capteur de lumière qui permet à l’électronique embarqué de réaliser une exposition correcte du cliché.
En d’autres termes, l’appareil sélectionne l’ouverture et la vitesse afin d’obtenir une exposition équilibrée suivant le mode utilisé (priorité à l’ouverture, vitesse, automatique,…) sans surexposer ou sous-exposer le film.
Actuellement, la plupart des appareils photographiques sont équipés d’un indicateur EV ‘exposure value’ dont l’échelle est le plus souvent divisée en 1/3 ou 1/2 de
EV couvrant une plage de -2EV à +2EV et dont le réglage s’effectue par 1/2 ou 1/3 de pas.
Il faut bien comprendre que le fait d’augmenter cette mesure par 1EV, reviens à diminuer d’une valeur f l’ouverture ou doubler le temps de pose ou multiplier par deux la sensibilité du film (ISO).
Exemple : Une prise de vue se faisant à 1/500 - f5.6 - 400 iso à 0EV
Corriger à -1EV revient à ceci : 1/1000 - F5.6 – 400ISO ou 1/500 – F8 – 400ISO ou 1/500 – f5.6 – 200ISO
Corriger à +1EV revient à ceci : 1/250 - F5.6 – 400ISO ou 1/500 – F4 – 400ISO ou 1/500 – f5.6 – 800ISO
Sur certains appareils photographique il est impossible de modifier cette valeur sans passer par le mode manuel, d’autres par contre comme un CANON 10D permettent cette correction sur toute la gamme des modes de prises de vues.
Pourquoi s’étendre sur ce sujet ?
Pour photographier un orage, donc des éclairs, bien souvent l’appareil propose des valeurs d’ouvertures/vitesses cadrant avec l’environnement non illuminé par des éclairs.
Or, lors d’un éclair, celui-ci apporte un surplus de lumière, tel un flash déclenché, et introduit une erreur d’exposition.
Le résultat donnera un cliché bien trop lumineux, surexposé.
C’est pourquoi, de nuit comme de jour, suivant la distance des éclairs, il n’est pas inutile de corriger la valeur d’exposition de -0,5 EV voire dans les cas extrêmes (orage violent – proche) de descendre à -1,5 EV.
Mieux vaut sous-exposer une photographie, surveiller son histogramme, afin de ne pas saturer la pellicule ou capteur. Un post-traitement est plus facile à effectuer en cas de sous-exposition qu’en cas de surexposition.
1.7 La sensibilité :
La sensibilité est exprimée en ASA ou ISO. Plus ce chiffre est élevé, plus le film/capteur sera sensible, et donc le temps de pose sera écourté.
Toutefois, augmenter la sensibilité introduit inévitablement un accroissement du bruit en numérique ou un grain plus large en argentique.
Si un cliché, afin d’être correctement exposé, prend 1/25 de seconde en 200 ISO, il faudra compter 1/50s pour une sensibilité à 400 ISO.
Pour des photos d’orages durant la nuit, il faudra de préférence augmenter la sensibilité (si la distance entre l’objectif et l’orage est élevée), puisque l’apport de lumière provenant de l’éclair est plus faible étant éloigné.
1.8 L’auto-focus – Mise au point automatique :
De nos jours, pratiquement tout appareil photographique dispose d’un système de mise au point automatique.
Ces systèmes de mise au point ‘auto-focus’ calculent par l’utilisation de multiples capteurs la distance séparant le sujet de l’objectif. Ensuite l’électronique agit sur un moteur interne à l’optique afin de déplacer un groupe de lentilles et ainsi corriger la
netteté de l’image.
Pour effectuer ces opérations, le sujet a besoin, d’une part, d’être éclairé et, d’autre part, de se situer à une distance encore mesurable par les capteurs.
De nuit ou en l’absence de lumière, les appareils éclairent le sujet par un faisceau visible, infrarouge, pré-flash ou mieux encore par un quadrillage laser (F828 SONY).
Il va sans dire, que photographier un orage de nuit ou un sujet très éloigné en l’absence de lumière, n’arrange pas la mise au point.
Le dispositif risque de s’arrêter sur une position qu’il pense être bonne, ou sans référence, d’interrompre le processus de mise au point et déclencher la photo sur un flou majestueux et artistique.
Pour la photo d’orage, inutile de se servir de ce dispositif, un réglage manuel est vivement recommandé, et souvent il sera réglé près de l’infini.
Remarques :
1) Le dispositif de mise au point automatique introduit un temps de réaction plus important lors de prises de vues, même si l’utilisation de moteur ultra-sonic ‘usm’ est utilisé. Il faudra tenir compte de cette remarque dans le cas d’une utilisation par déclenchement externe demandant un temps de réaction le plus rapide possible.
2) Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu’un appareil va effectuer la mise au point sur l’objet le plus proche sur ses points de référence activés.
Donc, en cas de photo à travers une vitre, il se peut que la mise au point soit faite sur cette vitre si sa transparence laisse à désirer.
1.9 Temps de latence – ‘Lag time’ :
Le temps de latence est l’écart de temps qui sépare l’action sur le déclencheur de l’appareil et la prise de vue en elle-même. Ce temps de réaction peut être divisé en deux parties:
- Toutes les opérations utiles pour effectuer la photographie (mise au point, calcul de l’exposition, fermeture du diaphragme, relève du miroir, sortie du flash, et d’autres encore).
- Le temps inhérent, dû à la conception même de l’appareil photographique, le type de moteur utilisé dans les optiques (DC ou USM), les protocoles utilisés entre le boîtier et une télécommande.
Exemple :
Un CANON 10D a un temps de réaction avoisinant les 80mS, tandis qu’un SONY F-828 passe allègrement la barre des 230ms, dû principalement au protocole LANC entre le boîtier et la télécommande.
J’insiste sur ce temps, car pour effectuer des photographies de jour, cette caractéristique est importante dans certaines situations.
Ce temps est généralement donné par le constructeur, RFM.
1.10 Temps de sauvegarde :
Le temps de sauvegarde est le laps de temps entre la prise de vue et la mémorisation sur le media.
En numérique, il y a toute une série de processus de traitement de l’image avant de sauver celle-ci, pour autant que l’image ne soit pas sauvée en mode RAW. Ces traitements agissent sur le contraste, température de couleur, netteté, dynamique, compression, etc.
Il va de soi qu’en argentique ce temps est pratiquement nul.
L’accent est mis ici sur le fait que dans certaines circonstances, de jour en l’occurrence, ce temps peut être un obstacle aux prises de vues, car certains appareils numériques exigent la fin du traitement et la sauvegarde de l’image ou ne disposent que d’un faible tampon de mémoire pour approcher 3 à 4 images par secondes.