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TORNADES ET CHASSEURS D’ORAGES EN FRANCE

Est-il possible de chasser la tornade en France ?



Est-il envisageable de chasser la tornade en France, ou tout au moins est-il raisonnable de songer à l'éventualité du phénomène en partant en chasse ?
Autant vous le dire tout de suite, il y a seulement trois ans jamais je n'aurais abordé un tel sujet, la réponse me paraissant tellement évidente qu'il n'y avait même pas lieu de se poser la question. Maintenant, j'en arrive à me poser cette étonnante question tellement la réalité des tornades en France et en Europe apparaît différente des idées reçues communément véhiculées sur le sujet, y compris chez les passionnés de météo et les chasseurs d'orage.
Alors bien sûr, on se doute que la réponse quelle qu'elle soit ne pourra être que circonstanciée et relative, très nuancée. Or, en France, l’un des principaux obstacles à ce genre d'investigation reste l'attitude souvent irrationnelle de certains passionnés qui balancent sans cesse entre les deux extrêmes, irrationalité entretenue par les apparences et les effets déformants de la médiatisation : la tâche de celui qui tente d'appréhender et faire connaître la réalité de manière objective n'est pas simple et se résume souvent à raviver les braises de ceux qui disent "qu'on a jamais rien en France" (ou dans X région), et retenir par les bretelles tous ceux qui parlent de Tornado Alley dès qu'il y a un gros orage quelque part (parfois ce sont les mêmes !).

A leur décharge, il faut reconnaître que dans ce domaine vouloir être rationnel et objectif reste très difficile. Il nous faut en effet tenir compte des multiples paramètres responsables des difficultés rencontrées par les chasseurs, paramètres que je vais tenter de détailler ci-dessous :



 


A) Les paramètres climatologiques et leur connaissance



 

1) L'intensité et la longueur des trajets / durée

 

Le premier des paramètres s'il en est : il est évident qu'intensité et dimensions des phénomènes jouent sur la perception du phénomène en France. Les tornades parcourent des trajets beaucoup moins longs en France et en Europe de l’Ouest, où elles finissent vite par se heurter à des obstacles, qu’aux USA. Dans notre pays au paysage particulièrement compartimenté, on ne peut guère parcourir plus de 100 à 150 kms sans voir le paysage changer radicalement, un charme qui fait d’ailleurs la réputation de la France chez les touristes étrangers et qui influence la diversité des climats locaux.
Le trajet le plus long connu officiellement en France est de 58 km. Il a été parcouru par la tornade de St Claude en 1890. Un petit nombre de cas recensés taquinent les 40-50 kms, d’autres encore ont parcouru entre 10 et 20 kms (19 kms au compteur pour la terrible F4 de Hautmont en 2008). Mais la grosse majorité de leurs consœurs ne parcourent pas plus de quelques kilomètres voire se limitent à quelques centaines de mètres (évidemment nous ne pouvons que nous féliciter de ces courtes distances).
En conséquence, leur durée également très brève peut ne pas excéder quelques minutes voire quelques secondes, même pour un cas puissant comme la F2 de Haimps (1982).
Alors bien sûr pour les chasseurs il s’agit d’être là au bon moment ! Ces facteurs d’ordre climatologiques diminuent d'autant la probabilité pour eux de voir des tornades en cours de chasse, ces dernières pouvant des fois se produire dans leur dos. Pour l’instant en France, les chasseurs même actifs lors de l’orage ne prennent connaissance des cas de tornades qu’à postériori dans les journaux ou à la télé (nous verrons cependant plus loin que les choses commencent à évoluer).

Enfin signalons aussi que la proportion de très grosses tornades sur le nombre total est nettement plus réduite chez nous qu'aux USA.



2) La petitesse des zones concernées par la fréquence des cas

 

Ce paramètre-là est moins évident à appréhender, mais je pense que son influence n’est pas négligeable. En effet, couplée avec la petitesse en superficie couverte des vagues orageuses (à laquelle la compartimentation des paysages de notre pays n’est peut-être pas là non plus étrangère), la petitesse des zones à plus forte fréquence des cas ne facilite pas non plus la tâche.
Plus la zone est grande, plus l’on a de chances -où que l’on soit- de découvrir quelque chose. Or, il suffit que le trajet de la vague orageuse passe 100 km plus au nord ou au sud pour que la zone propice ne soit plus concernée. Ce qui évidemment a moins de chances d'arriver si la zone en question fait 500 km de large ou davantage, comme c’est fréquemment le cas aux Etats-Unis ou en Europe de l’Est.
En France parmi les zones que l’on considère habituellement comme fréquemment touchées, la plus grande reste celle qui couvre le NPDC (prolongée sur la Belgique et les Pays Bas).
D’après de récentes recherches dont j’ai eu connaissance, la vaste région de l’Est pourrait être plus fortement touchée qu’on ne le croit car intégrée dans un couloir européen courant du sud de l’Allemagne au Centre Ouest français. La chose n’est pas encore sûre, mais dans le doute j’incite les chasseurs alsaciens à davantage intégrer le risque tornadique dans leurs chasses et –pourquoi pas- à franchir la frontière allemande où pullulent les cas déjà recensés… le tout avec prudence bien sûr.



3) La dichotomie française entre zones orageuses et zones tornadiques

 

En France, une particularité remarquable de la climatologie orageuse fait que les tornades se regroupent dans des régions qui ne sont pas les plus fréquemment touchées par les orages. Un fait qui saute vraiment aux yeux quand on compare les cartes respectives des couloirs d’orages et des couloirs de tornades, où l’on remarque -même sur les cartes récentes- que le classique couloir Sud Ouest/Nord Est reste épargné par les tornades. Or, le choix souvent fait de chasser dans ces dernières régions, aux fréquents orages violents souvent spectaculaires, amène de fait à délaisser leurs homologues plus au nord et donc nombre de captures de tornades potentielles.

Les deux cartes ci-dessous vous éclaireront à ce sujet bien plus qu’un long discours.

Bien sûr, cela n’a pas empêché notre Pierre Paul Feyte national de nous ramener des clichés gersois pionniers en la matière. De même des régions a priori inattendues comme le Cantal ont été récemment mises à l’honneur par les chasseurs-photographes, ainsi que le Var. Mais plus au nord, avec un réseau plus étroitement maillé et des chasseurs avertis nous ne sommes à mon avis qu’au début de l’aventure qui nous mènera très certainement vers un réveil massif des clichés de tornades en France par des chasseurs.

 

    

De gauche à droite : nombre moyen de jours d'orage 1950-1980 (source Traqueurs d’orages, Alex Hermant), et carte de la répartition des tornades en France (Jean Dessens)



4) La rareté effective des cas dans une bonne partie de la France

 

Un facteur à ne pas oublier non plus, malgré la récente affluence de nouveaux cas due aux nouvelles technologies et à la sensibilisation du public. Certes, désormais les recherches tout comme les plus récents résultats vont dans le sens d’un lissage des densités sur le pays. Les fréquences selon les régions y sont beaucoup plus dégressives qu’on ne l’imaginait au début avec la carte de Jean Dessens et on va vers une disparition progressive des zones de vide.
Néanmoins, il reste vraisemblable que dans certaines zones de la moitié sud du pays, les tornades significatives soient assez peu fréquentes voire franchement rares.



5) La répartition saisonnière des tornades et l'importance des tornades d'hiver

 

Les tornades de saison froide représentent 20 % de la totalité des cas recensés en France d'après les travaux de Jean Dessens (et sans avoir vérifié je pense qu'on a à peu près le même chiffre encore actuellement). Premier aspect à signaler, le manque criant de prise en compte des orages et tornades d'hiver par les chasseurs qui ont tendance à considérer qu’en Octobre tout est fini et s’étonnent régulièrement de voir l’activité convective se manifester en plein hiver.
Ici l’obstacle demeure autant culturel que réellement climatologique. Il peut néanmoins s’expliquer par deux facteurs : la rareté effective de ce type d’orage dans les zones du centre et de l’Est de notre pays (les orages hivernaux frappent de préférence les zones maritimes), et la recherche de la foudre qui amène à privilégier les orages estivaux (les orages d’hiver sont moins électriques puisque moins pourvus en réserve de chaleur accumulée).
Alors déjà oui, les orages d’hiver existent et certains clichés d’élégantes lignes de cb attestent qu’ils peuvent être très photogéniques. Mais sait-on aussi qu’en plus de cela dans les zones françaises les plus tornadiques la proportion d’évènements hivernaux est particulièrement élevée, et pas seulement pour des raisons de proportionnalité ? C’est là aussi que le manque de connaissance de la réalité des tornades en France influe énormément sur le nombre de captures. En effet parmi ces zones figurent beaucoup de régions littorales (Charente maritime, Nord Pas de Calais, Languedoc et autres littoraux méditerranéens..), lesquelles sont soumises davantage que les autres aux orages et aux tornades de saison froide. Saviez-vous que dans le 17 une forte proportion des plus grosses tornades recensées a eu lieu en hiver, avec une F4 en janvier, des F3 en octobre ou en novembre ? Ces données sont évidemment à relativiser compte tenu des énormes lacunes de recensement de cette région, et déjà plusieurs contre-exemples de taille viennent de surgir. Mais on peut quand même se dire que les tornades hivernales y sont loin d'être négligeables, et il serait intéressant d'étendre ces stats aux autres zones tornadiques littorales, comme le NPDC ou l'Hérault. Les résultats pourraient vous surprendre...




 

B) Les paramètres matériels, psycho-culturels et médiatiques




1) Paramètre matériel : la prévision et le suivi en temps réel en France et en Europe des tornades

 

Contrairement à leurs voisins espagnols ou allemands, les chasseurs français se heurtent à cet obstacle matériel majeur surtout pour des chasses visant à étudier ou recenser les phénomènes orageux. En effet, seuls les radars doppler permettent de repérer non seulement les tornades, mais aussi les mésocyclones et donc les supercellules. A titre comparatif, il y aurait quasiment 1 radar doppler tous les 30-50 km dans la Tornado Alley sans compter tous ceux qui sont mobiles et que les chasseurs eux-mêmes emmènent dans leurs véhicules.
On sait que Météofrance s’est dotée il y a quelques années d’une poignée de radars doppler pour mieux étudier les épisodes de fortes précipitations, notamment méditerranéens. On ne peut que louer une telle initiative bien sûr, mais la formation à l’utilisation des dopplers et à l’interprétation de leurs images reste chose difficile. Même encore maintenant, des commentaires de professionnels dans les journaux font régulièrement état de l’impossibilité pour Météofrance de repérer au radar les cas de tornades au moment où ils surviennent (ainsi d’ailleurs que les microbursts et autres phénomènes hyper localisés).
Maintenant qu’en est-il des prévisions ?
Météofrance pour l’instant ne fait pas de prévisions orageuses très détaillées, tout du moins dans sa communication vis-à-vis des autorités et du grand public. Parmi les sites amateurs, en France comme partout ailleurs en Europe, personne ne peut pour l’instant prévoir avec précision le risque d’apparition d’une tornade à tel endroit. Les sites les plus pointus ne pouvant qu’évaluer et graduer le risque à l’échelle régionale, ce qui n’est déjà pas si mal. A l'échelle européenne, l'ESSL (European Severe Storm Laboratory) et le site Estofex, qui produisent les prévisions les plus ciblées dans le domaine, ne peuvent que se contenter de dire "voilà à tel endroit, la situ météo suscite un risque léger/moyen/fort de tornades." Point barre. Après, on se débrouille. Ce n'est évidemment pas pour critiquer leur travail et ceux des autres sites que nous sommes ravis de pouvoir consulter à défaut de prévisions ciblées professionnelles, mais simplement constater que les chasseurs français ne peuvent bénéficier d'aucun suivi, aucune détection au doppler.
De ce fait, nous nous retrouvons donc coincés dans un cercle vicieux : l’absence de moyens de suivi et de détection entraîne en effet un recensement embryonnaire et des études trop rares, responsables à leur tour d’une absence de connaissances de la réalité du phénomène dans le public, d’où les fausses impressions et idées reçues y compris chez les chasseurs. En conséquence ces derniers en chassant souvent n’envisagent pas leur éventualité ou s’en désintéressent, n’apportent donc pas de témoignages probants. On constate donc une absence d'intérêt d’où découle par voie de conséquence un manque de motivation pour inciter ceux qui le peuvent à se donner les moyens logistiques pour faire de la prévision et du suivi… La boucle est bouclée.
Bien sûr, même déterrée et connue à sa plus juste valeur, on se doute bien que la climatologie tornadique française ne nécessite pas non plus un équipement à l’américaine. Mais déjà simplement, si nous pouvions gagner le niveau d’équipement de nos voisins allemands et espagnols en la matière, adaptée à la réalité française et européenne, ce serait déjà une belle avancée… qui passe malheureusement encore dans notre pays par une prise de conscience du public, des chasseurs et même –j’ose le dire- de Météofrance.
Je terminerai enfin sur cette note optimiste : en effet à l’heure actuelle, grâce aux initiatives de quelques associations d’amateurs et aux données qui transitent sur le net, on voit se poser les premières pierres d’un pont très prometteur entre la connaissance des amateurs et le monde professionnel…




2) Paramètre matériel : les limites matérielles/infrastructurelles des chasseurs français

 

Il est notable que les chasseurs français même correctement informés rencontrent aussi des difficultés d’ordre matériel bien particulières, cette fois-ci à l’échelle individuelle, dont certaines restent incompressibles selon le mot de l’un d’eux, dont je reproduis la réponse ci-dessous :

- Le manque de moyens : nous sommes tous des amateurs et il est très difficile de vivre de cette passion. La chasse à l’orage est une pratique très coûteuse avec bien sûr un investissement initial important dans le matériel photo et vidéo mais également des coûts de plus en plus lourds en carburant. La hausse progressive des prix du pétrole pourrait d’ailleurs nuire à terme à l’activité de la chasse à l’orage, avec une réduction probable des distances parcourue. Aux Etats Unis, une partie des chasseurs de tornades sont des professionnels, employés par des institutions ou des chaînes de télévision.

- Le manque de temps : en liaison avec le point évoqué ci-dessus, qui dit amateur dit activité professionnelle parallèle. Il faut donc que l’activité orageuse coïncide avec une période de temps libre ce qui n’est pas toujours compatible. Les vacances d’été sont bien sûr le meilleur moment mais il faut en contrepartie ne pas avoir de vie de famille à sacrifier.

- Le territoire : la France est un pays qui compte une densité de population bien plus élevé que les grandes plaines américaines et, malgré un réseau routier dense, les axes « circulants » (droits et sans agglomérations) manquent, surtout si l’on veut quadriller le territoire. Bref, dés que l’on sort des autoroutes et des voies express, le rythme est très fortement ralenti. Aux Etats Unis, ce problème se pose moins puisque là bas, la majorité des routes « de campagne » sont rectilignes et désertes.

 



3) le développement très récent de la chasse en France, les objectifs des chasseurs, la situation de l’internet météo en France

Attardons nous un instant sur la situation de la chasse en France et ce qui la caractérise, cela nous sera nécessaire pour ensuite mieux appréhender le contenu du paragraphe suivant.
Quelques pionniers tels Alex Hermant ont déjà donné ses lettres de noblesse à la chasse en France, et à la chasse tout court. Nous savons également qu’un certain nombre de chasseurs de la première heure, souvent inconnus du grand public voire des chasseurs eux-mêmes, ont eux aussi parcouru les routes françaises et accumulé des clichés argentiques, lesquels malheureusement dorment dans leurs tiroirs.
Cependant, ce n’est pas d’eux que je vais parler ici mais d’un autre univers, celui du net météo que je commence à bien connaître depuis quelques années.
En effet depuis les années 2000 le paysage de la chasse en France a été bousculé, révolutionné même, par la formidable expansion de l’Internet et de la photo numérique qui a permis à tout un réseau de jeunes chasseurs de mieux se faire connaître et communiquer entre eux. De nombreux sites, forums et communautés ont ainsi vu le jour sur la Toile, initiant et entretenant un réseau d’échange de plus en plus dense au fil des années. La génération 2000 aura donc vu la naissance et la croissance d’une force vive, de plus en plus relayée par les médias et les journaux.
Cependant tout n’est pas non plus si rose. De son fait même, cet élan sur le net manque encore d'ancienneté et d’expérience, et la moyenne d’âge y est très basse contrairement à celle des chasseurs américains. Résultat, les jeunes chasseurs sont souvent seuls et inexpérimentés, sujets pour beaucoup à certaines attitudes et points de vue encore irrationnels (exaltation, découragements, idées reçues...) et au manque de culture météo. On le voit sans cesse sur les forums, où malheureusement l'absence ou la discrétion des chasseurs plus expérimentés (Alex Hermant, Pierre Paul Feyte, Philippe Talleu...) se fait sentir. La question de la sécurité s’est même posée à plusieurs reprises et demeure bien évidemment la priorité numéro 1. Précisons à ce propos que le fait de chasser seul peut inciter à ne pas aborder de front les phénomènes trop dangereux. Une attitude prudente qui reste tout à fait conseillée dans ces cas-là, même si elle restreint là encore les possibilités d’observation de phénomènes remarquables. Si la solution adéquate à tous ces obstacles reste encore à trouver, déjà la chasse organisée à plusieurs peut en constitue l’un des aspects quand elle est possible.
A noter que chez beaucoup de ces jeunes chasseurs manque encore aussi le réflexe de consulter les journaux après l’épisode pour compléter l’information, ce qui entretient les lacunes de la culture météo des phénomènes orageux et tornadiques, elle-même obstacle culturel majeur pour la « chasse à la tornade ». On voit donc bien à quel point ces facteurs s’enracinent parfois profondément dans des arcanes socio-culturelles spécifiques.
Enfin, pour des raisons aussi bien incontournables (matérielles…) que liées à des choix, la couverture des régions demeure encore inégale malgré son amélioration au fil des ans.
Ce qui est notable en France, c’est que cette chasse-là, celle de l’internet, des sites et des blogs, encore quelque peu inconsciente de certaines réalités, coexiste donc avec une chasse plus « invisible » mais non moins réelle, celle dont je parlais plus haut, beaucoup plus consciente de la réalité tornadique mais qui ne cherche pas spécialement à divulguer l’information : ainsi Alex Hermant a-t-il déjà eu affaire à des tornades dans sa propre région (même parfois de manière assez musclée cf. lien page 8). Côté scientifiques et chercheurs, Jean Dessens a chassé et continue de chasser encore. Il en est peut-être également de même de certains professionnels de Météofrance. Il existe ainsi en France tout un fond de connaissances et de documents, notamment visuels, dont les acteurs parfois se connaissent et se contactent, ou opèrent seuls, en tout cas en complète déconnexion et indépendance avec la chasse « visible » sur le net.


Les objectifs de la chasse en France sont eux aussi, je pense, corrélés à bon nombre de ces facteurs. Notre pays semble s’être taillé une belle réputation dans la photo d’art et l’esthétique, allant même jusqu’à inclure la chasse à l’orage dans de véritables sous-branches du monde de la photo d’art. Cette thématique reste de loin la plus représentée parmi la pléthore de sites météo et forums de météo qui existent en France. Un objectif bien sûr parfaitement louable et dont, jour après jour, on apprécie les véritables chefs-d’œuvre mis en ligne qu’il a pu susciter. Parallèlement à cela, la chasse à visée scientifique ou documentaire peine encore à trouver sa place, mais il semble que les quelques initiatives et émergences ça et là commencent à porter leurs fruits, et que l’esprit « recherche et observation » gagne du terrain.
Cependant parmi les phénomènes les plus recherchés, la foudre reste la reine incontestée dont la beauté et la magie photogénique toujours renouvelés n’auront de cesse de fasciner. Or, chasser la foudre requiert de chasser principalement de nuit, ce qui limite considérablement l’observation des structures nuageuses et autres phénomènes orageux. Christophe Suarez me confiait encore il y a peu que la chasse de nuit et le manque de culture en France avaient longtemps bloqué la progression des chasseurs dans l’expertise et l’observation des supercellules et autres structures. La toute récente avancée dans l’art du diagnostic supercellulaire pourrait ainsi expliquer le foisonnement des identifications de ce type en 2008 et 2009. Et à ce propos, j’en viens à évoquer des aspects qui petit à petit me sont apparus au fil du temps comme essentiels : capturer tel ou tel type de ces phénomènes ne requiert pas seulement de la chance ou bien connaître la prévision ou la climatologie pour repérer les situations météo ou coins les plus propices. Ils requièrent également de véritables techniques de chasse spécifiques comme par exemple la chasse en réseau, des réflexes à acquérir, choses à faire ou ne pas faire qui pourraient à elles seules faire l’objet d’un dossier à part…


Je ne citerai pas les multiples sites dédiés aux photos de foudre qui sont nombreux dans le paysage français. Davantage orientés étude scientifique, je citerai en revanche quelques sites ou blogs perso de chasseurs tels Météobell à l’information pointue, auxquels se sont à présent rajoutés chasseurs-orages.com dont le volet climato/scientifique tend désormais à rejoindre ce même objectif et, sous réserve, Kéraunos dont le projet reste potentiellement très prometteur. Enfin Infoclimat en tant que plateforme généraliste très complète et outil de suivi du temps en direct, offre via son forum et la rubrique Photolive une véritable base documentaire à consulter a posteriori, ainsi que de nombreux autres outils.
Enfin existent quelques sites régionaux présentant la climatologie orageuse de leur région, voire proposant une rétrospective des cas de tornades recensés. Mais ils demeurent encore trop rares. En particulier il n’existe aucun site charentais de ce type, énorme lacune quand on connaît le potentiel du coin.

Au sujet de la situation de la chasse en France, voir cette très intéressante discussion qui bien qu’un peu datée en évoque des aspects encore actuels : http://flandreclair.niceboard.com/la-traque-d-eclairs-et-de-ciels-orageux-f10/l-avenir-de-notre-activite-t234.htm



4) Paramètre psycho-culturel : la notion d'alea et la réalité ponctuelle à échelle locale

 

Dans d'autres dossiers ou d'anciennes versions, en comparant avec la perception de la délinquance souvent hypertrophiée à cause des médias, j'avais parlé d'effet semblable en sens inverse pour les tornades en France. Perception vraiment décalée allant jusqu'à une quasi négation du phénomène.
Mais à la décharge de cette vision grand public, il faut aussi admettre que le phénomène même relativement fréquent ne se révèle que rarement aux yeux humains. Et de ce point de vue là du chasseur, je ne suis pas sûr que les régions les plus propices soient forcément plus "intéressantes" en termes de probabilité, quand l’objectif de la chasse est d’en voir une sur un court laps de temps en un endroit donné. Certes, la probabilité y est mathématiquement plus grande et -surtout- des chasses régulières dans ces coins finiraient par faire ressortir un nombre important de tubas ou petites trombes (comme cela s’est d’ailleurs déjà produit en Vendée, nord 17 et 44 en mai 2008), et voir arriver peut-être plus rapidement les premières photos de trombes puissantes par des chasseurs. Mais ponctuellement l'avantage reste négligeable. On peut ne rien avoir du tout, ou alors apprendre ensuite qu'il y a eu une tornade dans une toute autre région. Et ce d’autant plus que les régions les plus tornadiques ne sont pas parmi les plus orageuses de France.
Parallèlement à ça, on a tendance à oublier que même aux USA, la certitude n'existe pas non plus. Les chasseurs peuvent y parcourir des centaines de kms sans rien voir, voir des orages sans tornades, apprendre qu'une tornade s'est formée sur le lieu d’où ils viennent juste de repartir, etc. Les reportages photos US qui fleurissent sur les forums donnent une fausse impression de surabondance alors que, si j'en crois un excellent documentaire que j'avais vu une fois, la principale qualité requise pour chasser la tornade resterait d'abord et avant tout... la patience.
Or cette notion d'alea (risque = forcément alea et non certitude), avec ses inévitables déconvenues à la clé, contribue souvent au découragement ou autres attitudes irrationnelles en France, entretenues notamment par les longues périodes calmes vécues dans les zones les plus à risque.
Notons aussi que le refus de l'incertitude reste encore profondément ancrée dans les esprits français (alimentant par ailleurs de régulières polémiques au sujet des prévisions et vigilances). On peut supposer que chez certains cela puisse entraîner des choix et options vers d’autres phénomènes que les structures nuageuses ou les tornades. Point de vue compréhensible et qui peut bien sûr relever d’autres raisons, mais qui de toute évidence éloigne les chasseurs-photographes de ce qui nous intéresse ici (cf. paragraphe précédent).




C) Conclusion

 



Précisons-le d'emblée : oui bien sûr, la réalité des tornades est différente de celle des USA à la fois en terme de fréquence (aux 10 000 km2) et en termes d'intensité. Et si cette réalité se rapproche plus qu'on ne le pense de celle des USA, il s'agit de certains coins restant encore à définir précisément, et uniquement en termes de fréquence.
Cependant on a vu que les freins relèvent autant d'une question d'état d'esprit, de nombre, de disponibilité, d'organisation, de moyens logistiques et même de politique que d'une question de réalité climatologique. Certains de ces facteurs restant incontournables.


En règle générale et en rapport avec tout cela je continue à penser que le plus raisonnable pour le chasseur français resterait de continuer à envisager la chasse à l'orage dans sa globalité, en considérant la tornade comme une simple "cerise sur le gâteau" possible, surtout dans certaines régions où le risque est supposé faible. Mais en revanche où qu’ils soient ils ne doivent pas négliger pour autant cette possibilité, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité. La mésaventure survenue à des chasseurs de ma connaissance à Lamasquère en Haute Garonne, surpris par une très probable petite tornade lors d’une chasse de nuit où l’on n’y voyait goutte, est là pour nous le rappeler.
Ensuite l’amélioration des techniques de chasse associée à une modification en profondeur de la culture tornadique permettra certainement à coup sûr d’augmenter les chances d’apercevoir des phénomènes.
On notera d’ailleurs que la toute récente évolution de la chasse à l'orage en France commence à porter ses fruits cette année 2009,
avec de précieuses photos de tornades au sol prises en situation de chasse active.





D) Photos


 

Stormsplitting ou séparation de l'orage en deux, ici du fait des vents contraires et du fort cisaillement

(cliché Samuel Desmarchais vers Aulnay de Saintonge (17) lors d'un orage modéré en avril 2007)






Première et pour l’instant unique photo connue en France d'une tornade dite "de front de rafales"

(cliché Damien Belliard en Maine et Loire (49) le 30 avril 2007)



 


 


E) Pour aller plus loin



http://www.infoclimat.fr/montagne/?analyse=mc&id=45

Il s’agit de la rubrique Montagne du site Infoclimat, section Massif Central. Ce 16 octobre 2006, elle inclut une interview très intéressante d’Alex Hermant, qui entre autres narre par le menu ses rencontres du 3ème type avec quelques tourbillons mal intentionnés.

 

http://ppfeyte.free.fr/

Le site de Pierre Paul Feyte, l’un de nos plus grands chasseurs en France et auteur de magnifiques clichés, qui a eu l’heur de nous capturer quelques exemplaires tourbillonnants.

 

http://stormy91.skyrock.com/

Blog de Michel Gosselin, l’un des rares chasseurs français à rechercher activement tornades et tubas, ce qui lui a déjà valu quelques beaux succès notamment cette année en 2009 où il a capturé une tornade au sol. Blog malheureusement non réactualisé, mais à suivre…

 

http://www.meteobell.com/index.php

Site de Damien Belluard, chasseur et photographe à qui nous devons des captures récentes de tornades de front de rafales et gustnadoes. Ces pages valent aussi la visite pour leur contenu riche et varié, captivant.

 

http://pagesperso-orange.fr/libecciu/

Le site de Dominique Tison alias Doumé, qui s’est fait notamment une spécialité de ses superbes clichés de trombes marines en Corse (et pas seulement…).


Liste non exhaustive bien sûr, cette sélection ayant été faite sous l’angle assez restrictif du sujet de ce dossier…


Pour compléter voici les deux sites présentant l'étude de Jean Dessens et son prolongement par François Paul, les pionniers dans le domaine de l’étude des tornades en France au XXème siècle :

http://metamiga.free.fr/tornade_france/page1.htm

http://pagesperso-orange.fr/climat-energie-environnement/Climat/TROMBES.HTM


 

© Nicolas Baluteau pour Chasseurs d'Orages - 28 décembre 2009

 

Site officiel de la liste Chasseurs d'orages. Les photos, vidéos et textes diffusées sur ce site sont la propriété exclusive de leurs auteurs. Toute copie devra faire l'objet d'une autorisation préalable de l'auteur. Une initiative de la communauté francophone des chasseurs d'orages.